Lundi 5 Janvier, charniers flottants.

Je me rappelle avoir vu à la télé un économiste, qui vu ses joues n'avait pas connu la faim depuis longtemps, dire que c'était en Afrique que tout se passait. Il fallait arrêter avec Ebola et les guerres civiles, certains pays connaissaient une croissance galopante, sans toute fois préciser à qui elle profitait. Bref, je me suis dit "connard" et puis ce lundi matin, on apprenait qu'effectivement le continent progressait vite. En terme de transport maritime, ils sont passés de la pirogue au cargo en seulement un an. Pour transporter les candidats à l'Europe d'un bout à l'autre de la Méditerranée.

Un cargo plein de 450 clandestins arraisonné au large de l'Italie. Ils ont payé entre 4000 et 5000 euros le passage, des années de salaire. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, pour pouvoir financer le voyage, ils sont issus des couches les plus aisées de la populations du continent.

Des nouvelles méthodes de passage, qui ajoutées au durcissement des lois anti-immigrations européennes, nous promettent des infos macabres très vite.

 

Mardi 6 Janvier, Whiplash, un film de Damien Chazelle.

Pour réussir, pour être le meilleur, faut d'abord en chier, le seul talent ne suffit pas, c'est une certitude. Whiplash est le nom d'un classique jazz, et un film qui met face à face un prof de musique impitoyable à la recherche d'un nouveau Charlie Parker ou Buddy Rich quitte à casser des générations d'élèves et Andrew (JK Simmons), un batteur de 19 ans qui a décidé d'être le meilleur coute que coute (Miles Teller). S'en suit un tête à tête frénétique, où la haine nourrit les ambitions, du sang, de la sueur et des larmes, la passion devient obsession, la douleur et le plaisir fusionnent pour un film haletant ou le tempo de la batterie vous prend au tripes du début à la fin, un film de malades.

 

Mercredi 7 Janvier, Massacre à Charlie.

J'ai passé l'aprem à rafraîchir le fil d'actualité de sites d'infos, à regarder mes contacts Facebook changer de photo de profil. Je suis Charlie. Suis-je Charlie ? En suis je digne ? Pas sûr. Aurais-je bravé les menaces de mort quotidiennes pendant plus d'un an comme l'a fait Charb ? Pas sûr.

J'ai pas beaucoup travaillé, le peu je l'ai fait de travers. Depuis tout petit je lisais les dessins de Cabu sur le Canard Enchaîné de mon père. Et puis je me rappelle quand il était au club Dorothée et qu'il se moquait de son nez. Je n'ai pas acheté le Charlie depuis trois quatre ans, mais la nouvelle du massacre m'a fait mal. Je tiens à la liberté de parole et par dessus tout à ce que l'on puisse rigoler de tout. Rien n'est sacré, on peut se foutre de tout.

Pour l'instant je suis entre colère et tristesse. Pour l'amour, on verra plus tard. 50 ans de satires politiques viennent de foutre le camp.

18h, rendez vous place Royale à Pau. Il y a un petit monde. Devant la mairie, quelques écharpes tricolores. L'une d'elles au micro. A peu près : "Les évènements d'aujourd'hui se passe de discours, juste une pensée aux victimes et à leur famille. Je vous prie de respecter une minute de silence". C'est tout ! J'aurais aimé un rappel des piliers de la république, un message d'unité face à la haine, des encouragements à ne pas céder à la peur, que le nom de Charlie Hebdo soit prononcé, qu'on salue leur engagement pour les libertés contre les extrémistes de tout bord, ils ont donné leur vie pour ça. Pas forcement haraguer les foules, c'était faisable en restant sobre et digne. Mais c'est vraiment une mairie de centristes, surtout pas se mouiller le bout de l'orteil. Après ils ont demandé aux présents de les suivre dans une marche vers Clémenceau. Ils sont allés se mêler aux gens qui étaient en ville pour les soldes. On a vu des écharpes se presser pour remonter en tête du cortège, au cas où il y ait des photos.

Alors on est allé boire un coup. Je pense qu'ils auraient aimé qu'on boive un verre à leur mémoire. Et à la santé de Charlie. Car Charlie n'est pas mort. Salement amoché.

 

Jeudi 8 Janvier, prog estivale.

Petit à petit, les grands festivals européens commencent à dévoiler leur prog pour leur édition 2015. A ce jeu là, Glastonbury vient de frapper un grand coup, puisque les organisateurs ont annoncé la venue ... du Dalaï Lama ! Non pas pour un set de chant dyphonique tibétain, mais un discours. On voit déjà les ados anglais bourrés à l'alcool blanc ou aux drogues de synthèses ou les deux attendant sous la flotte la dernière coqueluche de la pop britonne et face à eux la réincarnation de Bouddha délivrer un message de paix universelle, ça promet.

Mais peut être que ce sera un moment de pure grâce. Souhaitons le.

 

Vendredi 9 Janvier, la chanson de la semaine, Chocolat - Méfiez vous du Boogaloo.

Oui, en écho aux évènements de la semaine, nous aurions pu choisir "Ma Liberté de penser" de Florent Pagny, mais non.

Loin du sang et des larmes, des Québecois, à grand renfort d'envolées Pink Floydiennes, font rimer Princesse et Fesses au pied de la montagne sacrée.

Ce Chocolat là ne provoque point l'écoeurement, même à consommation abusive.

Disque Tss Tss à sortir en France prochainement chez Born Bad.

 

Samedi 10 Janvier, manif des muets.

La mairie de Pau organisait ce jour une marche silencieuse pour les victimes de l'attentat du mercredi. La rédaction de BANG!BANG! n'y était pas. Elle n'avait pas envoyer le stagiaire non plus. Pour refuser les amalgames, on a offert de la garbure et du couscous au parc Beaumont à l'initiative de la communauté d'Emmaus.

Il y a eu beaucoup de monde, comme partout en France, et c'est très bien.

Mais du silence pour défendre la liberté d'expression, y'a rien qui cloche là ? Si la chose pouvait paraître bizarre quand elle a été annoncée, depuis d'autres sont venus grossir le nombre des victimes, des gens qui n'étaient tout simplement pas au bon endroit au bon moment, ça va donc maintenant au delà de Charlie.

Depuis Mercredi, tout le monde est Charlie. On l'a mis à toute les sauces, le pauvre, sur Facebook vous l'avez peut être vu associé à des articles penchant très à droite, à des colombes et des bougies ... Vous avez tous un ami qui qui a joué au plus indigné et qui n'a manifestement jamais ouvert le journal. Même si la plupart des initiatives partent d'un bon sentiments, je suis maintenant sûr que tout le monde n'est pas Charlie.

"Je suis Charlie", c'est trois mots, c'est très simple. C'est pas "Je suis avec Charlie", c'est pas "Je soutiens Charlie", c'est pas "J'aime pas trop trop les méchants", "Je suis Charlie" veut bien dire ce que ça veut dire et il va falloir avoir l'esprit plus aiguisé pour en être digne. Luz est bien Charlie et toujours vivant, et il choquera sûrement beaucoup de "Charlie autoproclamés" en affirmant que tout ce mouvement, même s'il est formidable, est à contre sens de l'esprit "Charlie". Lire dans les Inrocks.

Luz : "Je n'étais pas à la manifestation spontanée du 7 janvier. Des gens ont chanté la Marseillaise. On parle de la mémoire de Charb, Tignous, Cabu, Honoré, Wolinski: ils auraient conchié ce genre d'attitude".

Maintenant, pas besoin d'être Charlie pour se mobiliser, participer, échanger, ce que énormement de citoyens ont fait spontanement.

 

Dimanche 11 Janvier, pendant ce temps là ...

... au Nigéria, un étudiant de l'université religieuse de Ota est resté en transe trois semaines après s'être roulé un pet' dans des pages de la bible.

... à Enlanger, dans le Kentucky, les flics sont toujours prompts à dégaîner, même les bras chargés de gâteaux, même dans un ascenseur ...

 

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